dimanche 19 décembre 2010

Valeurs actuelles ?

Les générations d'avocats se succèdent et ne se ressemblent probablement pas.

J'en veux pour preuve les échanges que j'ai avec de jeunes confrères qui ne savent pas encore précisément quel avocat ils souhaitent devenir à moyen terme, mais sont d'ores et déjà convaincus qu'ils ne souhaitent absolument pas être soumis à la même pression et aux mêmes contraintes que les associés du cabinet dans lequel ils travaillent.

Si j'en crois leur vision, pour rien au monde ils ne voudraient de leur vie à moyen ou long terme.

Ils sont conscients, pour en avoir l'illustration sous les yeux jour après jour, que le prix à payer pour devenir et rester un associé de grandes structures est souvent (inévitablement ?) l'absence de vie privée en raison d'un quotidien inexorablement tourné vers le travail et ce, dans des proportions parfois proprement hallucinante.

Je vous fais grâce d'anecdotes à ce sujet qui pourraient dissuader, ne serait-ce que l'espace d'un instant, n'importe quel étudiant en droit d'envisager d'embrasser un jour cette profession.

La vision de quelques uns de mes confrères a quelque chose de rassurant d'autant que cela ne signifie pas, loin s'en faut, que celui qui a décidé de ne pas prendre son associé comme modèle de réussite désire exercer la profession d'avocat sur la base de 35 heures par semaine.

En clair, même s'il y aura toujours de jeunes avocats qui par ambition accepteront l'idée d'aller jusqu'à accepter l'inacceptable pour avoir une chance de devenir un jour associé, une grande partie d'entre eux a notamment très bien compris qu'être riche sans avoir le temps de dépenser son argent n'a que peu d'intérêt.

mardi 7 décembre 2010

La règle du jeu

Mon activité est plus tournée vers le contentieux que le conseil, mais force est de constater que même si le conseil aide parfois à prévenir le contentieux, le contentieux ne peut s’envisager (du moins, dans la position du demandeur) sans une première phase ressemblant à s’y méprendre à du conseil.

La problématique est la suivante : un client vient vous voir en vous expliquant que son dossier devrait lui permettre d’agir contre quelqu’un et de lui demander la réparation d’un préjudice qu’il subit. Il en est convaincu et c’est d’ailleurs pour cela qu’il vous charge d’intenter une action.

Dans ce cas de figure, le risque primordial est souvent de trop l’écouter vous certifier qu’il ne peut que gagner une affaire sans prendre le temps d’analyser, les forces mais surtout, les faiblesses du dossier.

Quand je reçois un client personnel ou que je gère l’un des clients du cabinet qui m’emploie, j’essaye de lui expliquer que le risque 0 de perdre n’existe pas. Qu’une action intentée sans succès l’obligera notamment à payer les frais d’avocat du défendeur (article 700 du CPC).

Même si le but n’est pas du tout de lui faire peur ni de le convaincre de changer d’avis, je pars du principe qu’il vaut mieux expliquer ce minimum à son client avant de lancer une procédure. Et ce, que son affaire soit ou non gagnée d’avance.

D’ailleurs, aucun procès n’est gagné d’avance et aucune condamnation n’est à 100% certaine.
Le droit et la procédure ont ceci de particulier qu’il suffit de peu de chose pour que la machine s’enraye.
Certains vont même jusqu’à soutenir que les juges sont des êtres humains qui peuvent donc se tromper et que le droit n’est pas une science exacte.

Quoi qu’il en soit, même si un client averti du risque n’en vaut pas deux, il me semble préférable de lui indiquer, avant toute autre chose, quelle est la règle du jeu.

jeudi 2 décembre 2010

J’ai un nouveau Bâtonnier

Tous les deux ans a lieu l’élection du Bâtonnier de Paris. Chaque année, le conseil de l’Ordre, dont les membres sont élus pour 3 ans, se renouvèle d’un tiers.

Le bâtonnier, qui est pour ainsi dire le porte parole et représentant des avocats du Barreau de Paris, est élu à l’issue d’une campagne qui dure plusieurs mois et qui, nouvelles technologies oblige, vous amène à recevoir la veille ainsi que le jour de l’élection, la bagatelle d’une cinquantaine de mails et fax en tous genres de la part des candidats au bâtonnat et au Conseil de l’Ordre.

Dans le cadre de ce type d’élections, j’ai tendance à m’intéresser plus aux discours des candidats qui indiquent vouloir se préoccuper de l’avenir des jeunes collaborateurs et à leur condition d’exercice qu’à ceux des autres.

Cette année, certains candidats ont mis en avant le fait que le numerus clausus était inévitable.
Sans rentrer dans le fond du débat, je trouve l’idée contestable. En tant qu’avocat, je n’ai pas eu à subir cette limitation du nombre d’entrée à la profession et je n’aimerais pas l’imposer à d’autres qui sont probablement aussi « méritant » que moi.

Les avocats favorables à cette thèse mettent notamment en avant que la profession ne peut absorber les milliers d’élèves qui obtiennent chaque année le CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat).
Sauf que par définition, si la profession ne peut les absorber c’est qu’ils n’exercent pas (encore) cette profession, faute d’avoir trouvé une collaboration.
En ce sens, le processus de sélection par le nombre qu’implique le numerus clausus se fait déjà de façon « naturelle » et donc non imposée.

Qu’une personne constate, après quelques mois, qu’une profession n’est pas faite pour elle ou qu’elle n’a rien à lui offrir, est une chose. Lui indiquer que sauf à faire partie des X personnes les mieux notées d’un concours (lequel jugera essentiellement sa capacité à restituer correctement des connaissances), elle n’aura pas le loisir de vérifier par elle-même si cette profession lui plait, est autre chose.

Même si je ne peux nier que la paupérisation de la profession soit en partie due au nombre d’avocats, je remarque que les personnes favorables au numerus clausus indiquent assez souvent qu’un grand nombre d’avocats quittent rapidement la profession, ce qui serait la preuve qu’elle ne serait pas faite pour eux.

Or, dans mon entourage les quelques personnes que j’ai vu quitter cette profession l’ont fait parce qu’on leur proposait mieux ailleurs (mieux rémunérées avec plus de temps pour leur vie privée). Cela ne les avaient pourtant pas empêché d’être de brillants avocats.
C’est d’ailleurs pour cette raison que des entreprises n’ont pas tardé à les démarcher.

Si dorénavant, chaque année 200 avocats venaient garnir les rangs de la profession au lieu d’environ 1500 actuellement, qui pourrait garantir qu’ils resteront tous dans la profession à long terme ?

Alors que 80% des élèves sortant de l’école d’avocats avouent être « spécialisés » en droit des affaires, comment les cabinets qui cherchent des avocats collaborateurs juniors en droit public, droit pénal, droit social et autres, feront si aucun de ces 200 lauréats n’a de compétence ni de formation dans leurs différents domaines ?

Bref, même si je comprends la motivation première d’un débat autour du numerus clausus (celle d’un gâteau qu’il serait devenu trop difficile de partager eu égard au nombre d’invités), je n’oublie pas que ce même numerus clausus n’est pas la panacée.

En attendant que le nouveau Bâtonnier se penche sur cette question, je viens d’apprendre qu’il s’appelle Christiane Feral Schuhl.
Félicitations à mon confrère qui devient le dauphin de Jean Castelain et qui aura le privilège et l’honneur de lui succéder dans un an.

Pour ceux qui aimeraient savoir de quoi parlent les candidats au bâtonnat quand ils font campagne, la chaine Public Sénat diffusait hier un débat opposant les deux candidats du 2ème tour.

http://www.publicsenat.fr/vod/evenements/debat-des-4-finalistes-au-poste-de-batonnier-de-paris/67474