jeudi 2 décembre 2010

J’ai un nouveau Bâtonnier

Tous les deux ans a lieu l’élection du Bâtonnier de Paris. Chaque année, le conseil de l’Ordre, dont les membres sont élus pour 3 ans, se renouvèle d’un tiers.

Le bâtonnier, qui est pour ainsi dire le porte parole et représentant des avocats du Barreau de Paris, est élu à l’issue d’une campagne qui dure plusieurs mois et qui, nouvelles technologies oblige, vous amène à recevoir la veille ainsi que le jour de l’élection, la bagatelle d’une cinquantaine de mails et fax en tous genres de la part des candidats au bâtonnat et au Conseil de l’Ordre.

Dans le cadre de ce type d’élections, j’ai tendance à m’intéresser plus aux discours des candidats qui indiquent vouloir se préoccuper de l’avenir des jeunes collaborateurs et à leur condition d’exercice qu’à ceux des autres.

Cette année, certains candidats ont mis en avant le fait que le numerus clausus était inévitable.
Sans rentrer dans le fond du débat, je trouve l’idée contestable. En tant qu’avocat, je n’ai pas eu à subir cette limitation du nombre d’entrée à la profession et je n’aimerais pas l’imposer à d’autres qui sont probablement aussi « méritant » que moi.

Les avocats favorables à cette thèse mettent notamment en avant que la profession ne peut absorber les milliers d’élèves qui obtiennent chaque année le CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat).
Sauf que par définition, si la profession ne peut les absorber c’est qu’ils n’exercent pas (encore) cette profession, faute d’avoir trouvé une collaboration.
En ce sens, le processus de sélection par le nombre qu’implique le numerus clausus se fait déjà de façon « naturelle » et donc non imposée.

Qu’une personne constate, après quelques mois, qu’une profession n’est pas faite pour elle ou qu’elle n’a rien à lui offrir, est une chose. Lui indiquer que sauf à faire partie des X personnes les mieux notées d’un concours (lequel jugera essentiellement sa capacité à restituer correctement des connaissances), elle n’aura pas le loisir de vérifier par elle-même si cette profession lui plait, est autre chose.

Même si je ne peux nier que la paupérisation de la profession soit en partie due au nombre d’avocats, je remarque que les personnes favorables au numerus clausus indiquent assez souvent qu’un grand nombre d’avocats quittent rapidement la profession, ce qui serait la preuve qu’elle ne serait pas faite pour eux.

Or, dans mon entourage les quelques personnes que j’ai vu quitter cette profession l’ont fait parce qu’on leur proposait mieux ailleurs (mieux rémunérées avec plus de temps pour leur vie privée). Cela ne les avaient pourtant pas empêché d’être de brillants avocats.
C’est d’ailleurs pour cette raison que des entreprises n’ont pas tardé à les démarcher.

Si dorénavant, chaque année 200 avocats venaient garnir les rangs de la profession au lieu d’environ 1500 actuellement, qui pourrait garantir qu’ils resteront tous dans la profession à long terme ?

Alors que 80% des élèves sortant de l’école d’avocats avouent être « spécialisés » en droit des affaires, comment les cabinets qui cherchent des avocats collaborateurs juniors en droit public, droit pénal, droit social et autres, feront si aucun de ces 200 lauréats n’a de compétence ni de formation dans leurs différents domaines ?

Bref, même si je comprends la motivation première d’un débat autour du numerus clausus (celle d’un gâteau qu’il serait devenu trop difficile de partager eu égard au nombre d’invités), je n’oublie pas que ce même numerus clausus n’est pas la panacée.

En attendant que le nouveau Bâtonnier se penche sur cette question, je viens d’apprendre qu’il s’appelle Christiane Feral Schuhl.
Félicitations à mon confrère qui devient le dauphin de Jean Castelain et qui aura le privilège et l’honneur de lui succéder dans un an.

Pour ceux qui aimeraient savoir de quoi parlent les candidats au bâtonnat quand ils font campagne, la chaine Public Sénat diffusait hier un débat opposant les deux candidats du 2ème tour.

http://www.publicsenat.fr/vod/evenements/debat-des-4-finalistes-au-poste-de-batonnier-de-paris/67474

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